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samedi 9 juillet 2011

« Stratégie EU 2020 »




« Nous sommes en train de passer de la production industrielle au capitalisme culturel » 
Jérémy Rifkin – L’âge de l’accès


J’ai publié dans un autre article l’appel des créateurs Néerlandais qui voient, sous la pression des néo-libéraux alliés à l’extrême droite, les choix du gouvernement des Pays-Bas menacer l’ensemble des forces de l’esprit d’un pays.

Cette tendance s’amplifie dans de nombreux pays d’Europe où le libéralisme dévoyé endors les esprits et transforme l’accès à la culture en console de super marché devant laquelle l’individu est devenu un simple client,  à qui l’on impose un « supplément d’âme » marchandisé et qui ne vit plus d’expérience humaine qu’à travers des produits manufacturés qu’il convient de posséder pour entrer dans la grande communauté des consommateurs.

Jérémy Rifkin cite dans son livre L’âge de l’accès :
« La transformation en marchandises des relations humaines est une entreprise pour le moins troublante. L’assignation d’une valeur marchande à la totalité de l’existence des individus dans le but de transformer l’intégralité de leurs expériences vécues en transactions commerciales représente en quelque sorte le stade suprême du capitalisme. »...
« La postmodernité correspond à une nouvelle époque du capitalisme qui repose sur la transformation en marchandises du temps, de la culture et de l’expérience. »

Cette tendance se fait aussi sentir ici en France avec un désengagement de plus en plus marqué de l’état qui veut déléguer le service public aux divers secteurs privés.

Cette absence de l’état régulateur est de plus en plus pesante dans les collectivités locales ou la culture est laissée au bon vouloir de bon nombre d’ élus locaux qui ont tôt fait de taxer d’élitisme tout ce qui a tant soit peu pour mission d’élever l’esprit, au profit des amuseurs et du divertissement généralisé et qui ne conçoivent le rôle du créateur qu'en "animateur " social.

« Il faut donner au public ce qu’il attend » nous dit-on, traduction laissons faire les multinationales du récréatif qui n’ont pas leur pareil pour vendre de l’abrutissement mondialisé.

Et si la création vivante était rangée au magasin des accessoires pour quelques initiés irréductibles, que les moutons de panurge ne se connectent plus alors qu’aux espaces virtuels et l’ère du crétinisme cybernétique verrait son apogée: « Le cyberespace est le nouveau théâtre universel où votre ticket d’entrée vous donnera le droit de participer à la représentation comme s’il s’agissait de votre expérience réelle », Toujours Jérémy Rifkin.

Fort heureusement les créateurs se mobilisent,  à l’initiative de leurs organisations professionnelles, mais leurs voix seront-elles entendues ?

TEXTE LU DANS LA COUR D’HONNEUR DU FESTIVAL D’AVIGNON, LE 7 JUILLET 2011

Mesdames, Messieurs, bonsoir,

La soirée s'annonce belle et pourtant si nous avons voulu prendre la parole devant vous c'est parce que cette belle fête de l'esprit que constituent le théâtre, la danse et la musique, pourrait bien être menacée ainsi qu’une part importante du système culturel français.

Il y a donc urgence à se mobiliser car c'est dans ce bel accord entre artistes et spectateurs que le spectacle vivant a encore un avenir. L'élection présidentielle de 2012 se profile à l'horizon et revêt une importance considérable dans les choix de société sur lesquels nous allons nous prononcer. Un mouvement politique libéral agressif en France et en Europe entend réduire les services publics. Il attaque régulièrement l'art et la culture.

A force de réductions ou d’érosions année après année des subventions, les artistes se retrouvent en grandes difficultés, les rémunérations baissent, les temps de répétition aussi.

Nous attendons des femmes et des hommes politiques de progrès qu'ils ouvrent un débat de fond sur ces questions ; ils doivent refuser les thèses libérales et la rengaine du pseudo échec de la démocratisation culturelle. Ils doivent défendre le rôle du service public, la place de l'art et de la culture dans notre société,
l'utilité de la formation du jugement critique, la nécessité de l'éducation artistique dans l'épanouissement des jeunes ; ils doivent prôner l'émancipation des individus. Il en est encore temps !

Nous souhaitons qu'ils mettent en place :
• des réformes structurelles : une loi d'orientation et une nouvelle étape de la décentralisation qui, pour nous, reste une idée moderne à l'échelle de l'Europe ; un Ministère de la Culture fort et doté de moyens nouveaux
• des mesures sociales pour les salariés du secteur, notamment le maintien du système de l’assurance chômage des artistes et techniciens du spectacle.

Nous voulons obtenir des engagements pour un plan de développement de l'art et de la culture et en particulier de la création. Il permettra de soutenir les projets nouveaux, les talents émergents, d’augmenter les capacités artistiques des institutions comme des compagnies. Il permettra de réaliser un vaste plan
d'éducation artistique et de remettre ainsi en marche une véritable démocratisation culturelle.

L’Europe actuelle considère trop les oeuvres de l’esprit comme des marchandises et le soutien à l’art et à la culture comme facultatif. Nous voulons une Europe démocratique, libre, sociale, dotée d’une politique
artistique et culturelle commune.

Vous l'aurez compris, nous avons besoin de vous tous : la situation est grave, mais nous savons que nous pouvons compter sur vous.


LA PÉTITION

Institutions européennes et gouvernements élaborent en ce moment même les objectifs et les lignes directrices des futurs programmes de l’Europe.
Ces programmes s’inscrivent dans une nouvelle prospective appelée « stratégie EU 2020 » dans laquelle la politique culturelle serait réduite à ses seules dimensions économiques et d’inclusion sociale.


Ce qui nous menace c’est l’abandon ou la baisse du Programme Culture, l’impossibilité d’inscrire des projets à dimension culturelle dans les fonds structurels et le risque de les vider de leur sens, s’ils ne peuvent plus soutenir la création artistique.


Nous ne voulons pas de cette régression.

 Parce que cela mettrait en ruine l’édifice culturel européen patiemment construit depuis plus de vingt ans par les Etats, les collectivités territoriales, les artistes et les opérateurs culturels.


Parce que l’Europe se construit sur la certitude que les peuples, débarrassés des tyrannies et librement associés, progressent ensemble vers un destin commun, fondamentalement démocratique et nourri par une conception partagée du rôle de l’art et de la culture.

Parce que le projet européen lui-même traverse une crise de légitimité et que les vieux démons du passé ressurgissent.


C’est au contraire dans la création artistique et la recherche que s’inventent les idées, les formes, l’imaginaire du futur.

Elles forment le creuset d’innovations esthétiques et sociales d’où jaillit la diversité.

C’est dans l’accès du plus grand nombre à cette richesse que se construisent les sociétés inventives, créatives et démocratiques auxquelles nous aspirons. 



Nous, artistes et citoyens, interpellons la Commission, le Parlement européen et nos gouvernements respectifs pour obtenir le renforcement du budget du Programme culture et la garantie de soutien des projets artistiques et culturels dans les autres programmes.


Nous voulons pour l’Europe un autre souffle, une véritable ambition artistique et culturelle.

À signer sur

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